Emile Friant
Vendredi soir, Philippe Claudel était au musée des Beaux-Arts de Nancy
pour une conférence sur son dernier livre "Autoportrait en Miettes"
Je suis un fidèle lecteur de Philippe depuis ses débuts, et en lisant ses romans et au
travers de quelques discussions, nous nous sommes aperçus que nos vies s'étaient
déjà croisées... Des noms, des lieux, des visages, des époques. Je suis presque sur
que nous avons même échangé lors de soirées ou la bière était notre compagne,
il y a de cela longtemps...
Je veux, ce jour, vous proposer quelques photos, non inspirées de son dernier opus
mais d'un livre plus ancien que j'ai en quelque sorte parcouru à nouveau au
travers d'une visite au Musée des Beaux-Arts de Nancy: Au revoir Monsieur Friant.
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Les tableaux d’Émile Friant sont des photographies instantanées au pinceau,
c'est surement pour cela que j'aime !
...L'ami d'un jour s'empare de la bouteille de vin. C'est elle seule qu'il regarde. Le
monde a disparu et avec lui celui qui la lui tend, qui la lui donne, dans cet entraînement
aussi complice que suicidaire. Anarchisme de la poussière et du gosier creux. Fraternité
de la vinasse et du titubement diurne. Les deux compagnons se serrent les coudes et
les lèvent. Plus rien n'existe au dehors de leur ivresse à venir. C'est leur beauté suicidée
que le peintre a saisie, alors qu'il avait l’âge de ces hommes et les croisait sans doute
chaque jour dans les rues. Car les rues sont pleines, on le sait, de gens que nous ne
voyons jamais. Cela n’a pas changé. Cela ne changera pas. ...
... Le succès, s’il arrive, n’avive que des malentendus. Il nous perd. Friant eut
trop tôt trop de succès. Et Friant vendit Friant, en somme. Le jeune homme
à vif se rendit sans doute compte que la Toussaint célébrait sa propre mort.
Que son naissant succès mondain et salonnard signait son arrêt. Que la veuve
éplorée de Douleur se penchait moins sur la fosse d’un mari perdu que sur celle
d’un talent exténué....
A quoi songe-t-elle donc cette jeune fille qui ne le regarde déjà plus, qui ne lui sourit
plus, qui attend, dirait-on, que tout cela finisse, mais en douceur, sans larmes, sans
cris, sans égarement ? …
... Les pelouses des bords de Meurthe se sont refroidies comme les cœurs, et ce
qui s’était noué dans la promesse d’un été rougeoyant s’est perdu à mesure qu’a
faibli l’étouffement solaire.
Je retrouvais cette étreinte au ventre qui cassait ma marche jadis quand j’allais dans
l’hiver retrouver, éperdu, celle qui ne m’aimait pas. …
.... Oui c’était bien là sa candeur, son détachement étrange, son innocence et
par-dessus tout, ce rose aux joues comme celui des premières pivoines que les
printemps exténuent dans les jardins poivrés.
Tous les textes sont extraits de " Au revoir Monsieur Friant" Philippe Claudel 2001
Merci Philippe pour cette soirée, merci pour le plaisir éprouvé à la lecture de tes
ouvrages, merci .
Cela n'a rien à voir avec la peinture, mais le prénom Émile évoque
systématiquement en moi cette chanson du groupe Ange "Ode à Émile".
(plutôt que la chanson de Brel, )
Ces deux "Émile" étaient presque de la même région et de la même époque
Friant aurait pu peindre Jacotey, alors musique !
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